CHAPITRE 3

< Ils sont venus vous détruire. >

Curieusement, personne ne douta de sa parole.

Aucun « pas question » ni « vous plaisantez ». On savait, un point c’est tout. Il était en train de mourir, et il tentait de nous avertir d’une menace terrible.

< On les appelle les Yirks. Ils sont différents de nous. Et de vous. >

— Vous voulez dire qu’ils sont déjà là, sur la Terre ? s’inquiéta Rachel.

< Beaucoup sont ici. Des centaines. Peut-être même plus. >

— Et personne ne les a repérés ? demanda logiquement Marco. On aurait dû nous parler de ça à l’école.

< Vous ne comprenez pas. Les Yirks sont différents. Ils n’ont pas de corps, comme vous et moi. Ils vivent dans les corps d’autres espèces. Ils sont… >

Je suppose qu’il ne trouva pas de mot pour décrire les Yirks, car il ferma les yeux et parut se concentrer. Soudain, j’eus un éclair. Je vis un être verdâtre, visqueux, qui ressemblait à un escargot sans coquille en plus grand, à peu près de la taille d’un rat. Ce n’était pas une image très agréable.

— Je devine qu’il s’agissait d’un Yirk, dit Marco. Ou alors, d’un très gros chewing-gum particulièrement gluant.

< En dehors d’un hôte, ils sont pratiquement désarmés. Ils… >

Brusquement, nous avons éprouvé une nouvelle sensation de douleur provenant directement de l’extraterrestre. Je ressentis également sa tristesse. Il savait que le temps lui était compté.

< Les Yirks sont des parasites. Ils ne peuvent vivre qu’à l’intérieur d’un autre organisme vivant, d’un hôte. On les appelle alors Contrôleurs. Ils pénètrent dans le cerveau et s’y incrustent en absorbant les pensées et les sensations de leur hôte. Par ce moyen, ils essaient d’amener celui-ci à accepter volontairement leur présence. C’est la solution la plus simple, car autrement l’hôte risque de résister, au moins un peu. >

— Vous prétendez qu’ils s’emparent d’êtres humains ? demanda Rachel. De gens comme nous ? Ces créatures prennent leur corps ?

— Là, ça devient extrêmement grave, dis-je. Ce n’est pas à nous qu’il faut raconter cela. Nous ne sommes que des adolescents, vous savez. Il faudrait avertir les autorités.

< Nous espérions les arrêter, continua l’extraterrestre. Mais voilà, lorsque notre vaisseau d’exploration est sorti de l’Espace-Z, des escadrilles de leurs chasseurs, ceux que nous appelons « Cafards », nous attendaient. Nous savions que leur croiseur était dans les parages et étions prêts à affronter leurs cafards, mais les Yirks nous ont piégés : ils avaient dissimulé un puissant vaisseau, le vaisseau Amiral, dans un cratère de votre Lune. Nous avons combattu, mais… nous avons perdu. Ils m’ont poursuivi jusqu’ici et ne vont pas tarder à arriver, afin de détruire toute trace de moi et de mon astronef. >

— Comment s’y prendront-ils ? interrogea Cassie.

L’extraterrestre parut sourire avec ses yeux.

< Leurs rayons Dracon ne laisseront subsister que quelques molécules de cet engin et… de ce corps, dit-il. J’ai envoyé un message sur ma planète. Nous autres Andalites, nous combattons les Yirks partout où ils vont, dans tout l’univers. Les miens enverront des secours, mais cela peut prendre un an, peut-être davantage et, alors, les Yirks auront déjà pris le contrôle de cette planète et il sera trop tard. Il faut que vous alertiez les vôtres. Vous devez les mettre en garde ! >

Un nouveau spasme de douleur le déchira, et nous avons tous compris que sa fin était proche.

— Personne ne nous croira, soupira Marco et il me regarda en secouant la tête. C’est perdu d’avance.

Il avait raison. Si les Yirks faisaient disparaître le vaisseau spatial et l’Andalite, comment pouvions-nous espérer convaincre qui que ce soit ? On nous prendrait pour des farceurs ou, pire encore, pour des fous.

— Peu importe, remarqua Rachel. S’il pense qu’il va mourir, il faut essayer de l’aider. On peut le faire transporter à l’hôpital. A moins que les parents de Cassie…

< Trop tard, dit l’Andalite, dont les yeux brillèrent soudain. A moins que… >

— Que quoi ?

< Montez dans mon vaisseau. Vous verrez une petite boîte bleue. Apportez-la-moi. Vite ! Il me reste très peu de temps à vivre, et les Yirks ne vont pas tarder à me retrouver. >

Nous nous sommes regardés. Lequel d’entre nous pénétrerait dans le vaisseau spatial ? Finalement, tout le monde décida que ce serait moi. Tout le monde sauf moi.

— Vas-y, me dit Tobias. Moi, je reste auprès de lui.

Il s’agenouilla à côté de l’Andalite et posa une main secourable sur l’épaule étroite de l’extraterrestre.

Je regardai la porte du vaisseau spatial et me tournai vers Cassie.

— Vas-y, fit-elle en me souriant. Tu n’as pas peur.

Là, elle se trompait. J’étais mort de trouille. Mais vu la façon dont elle me souriait, pas question de me dégonfler.

Je m’approchai de la porte de l’astronef et jetai un coup d’œil à l’intérieur. C’était d’une surprenante simplicité et semblait presque intime. Tout était blanc crème, avec des angles arrondis et des formes plus ou moins ovales. Ce fut en partie pour cela que je repérai aussi facilement la boîte, qui était bleu ciel et cubique. D’une dizaine de centimètres de côté, elle paraissait curieusement lourde pour sa petite taille.

J’entrai dans le vaisseau. Il n’y avait pas de siège, seulement un espace dégagé où je supposai que l’Andalite se tenait sur ses quatre sabots pour manœuvrer les quelques manettes. Pas de tableau de bord compliqué avec des tonnes de boutons. Je me demandai si l’Andalite dirigeait l’engin par télépathie.

J’allai rapidement chercher la boîte mais, au moment de repartir, quelque chose retint mon attention. C’était une petite photo en relief sur laquelle quatre Andalites à l’air solennel se tenaient côte à côte. Deux d’entre eux étaient nettement plus petits, des enfants visiblement, et je compris qu’il s’agissait de la famille de l’Andalite.

Cela m’attrista profondément de penser qu’il était en train de mourir à des millions de kilomètres des siens. De mourir parce qu’il avait essayé de sauver les Terriens. Je ressentis une bouffée de colère contre les Yirks ou les Contrôleurs, ou je ne sais quoi, qui en étaient responsables.

Je retournai auprès de mes amis.

— Voilà la boîte, dis-je à l’Andalite.

< Merci. >

— Est-ce que… euh… c’est votre famille, sur la photo ?

< Oui. >

— Je suis vraiment désolé, balbutiai-je, mais qu’aurais-je pu dire d’autre ?

< Il y a une chose que je peux peut-être faire pour vous aider à combattre les Yirks. >

— Laquelle ? demanda Rachel.

< Je sais que vous êtes jeunes. Je sais que vous n’êtes pas de taille à résister aux Contrôleurs. Mais je peux vous doter d’un pouvoir susceptible de vous être utile. >

Nous nous sommes tous regardés avec perplexité, sauf Tobias dont les yeux restèrent fixés sur l’extraterrestre.

< Si vous le désirez, je peux vous transmettre un pouvoir qu’aucun être humain n’a jamais possédé. >

— Un pouvoir ? Quel pouvoir ?

< Il s’agit d’un procédé de la technologie andalite que les Yirks ne possèdent pas, expliqua l’extraterrestre. Une méthode qui nous permet d’explorer sans être repérés de nombreuses régions de l’univers : la capacité de morphoser. Nous n’avons jamais partagé ce pouvoir avec personne, mais votre situation est grave. >

— Morphoser ? En quoi ça consiste ? demanda Rachel en plissant les paupières.

< A changer de corps, répondit l’Andalite. A devenir une autre espèce. N’importe quel animal. >

Marco ricana ironiquement. C’est un sceptique.

— Devenir des animaux ?

< Il vous suffira de toucher une créature, d’acquérir son patrimoine génétique, son ADN, pour devenir cette créature. Cette mutation exige de la concentration et de la volonté, mais vous pouvez y parvenir. Il existe… certaines règles à respecter, des difficultés, voire des dangers, mais je n’ai pas le temps de tout vous expliquer. Il faudra les découvrir par vous-mêmes. Mais d’abord, souhaitez-vous acquérir ce pouvoir ? >

— C’est une blague, hein ? me demanda Marco.

— Non, dit doucement Tobias. Ce n’est pas une blague.

— Mais c’est dingue, reprit Marco. Toute cette histoire est dingue. Les Yirks, les vaisseaux spatiaux, les types qui s’emparent des cerveaux d’autres personnes, les Andalites et leur pouvoir de se transformer en animaux ? Arrête, tu veux.

— Ouais, avouai-je, c’est hyper bizarre.

— Là, on dépasse le domaine de la bizarrerie, continua Rachel. Mais si nous ne sommes pas tous en train de rêver, je crois qu’on devrait accepter la réalité.

— Il est mourant, nous rappela Tobias.

— Moi, je marche, dit Cassie.

Cela me surprit, car Cassie prend habituellement ses décisions moins rapidement, mais je supposai que, comme Tobias, elle sentait que l’Andalite disait la vérité.

— Il me semble que notre décision devrait être collective, suggérai-je. Dans un sens ou dans l’autre.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Rachel.

Elle avait la tête levée vers les étoiles. Loin, très loin, deux points lumineux rouge vif traversaient la voûte céleste.

< Les Yirks. >

La réponse de l’Andalite retentit dans nos esprits, et nous avons senti la haine qu’il éprouvait.

 

L'invasion
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